Le Père Laurent Gastineau, Fidéi donum du diocèse de Séez dans le diocèse de MbujiMayi (RdC) y est arrivé le 16 septembre 2020. Il nous fait part de ses premières impressions.
Bonjour à tous,
J’ai quitté la Normandie le 10 septembre pour arriver à Mbujimayi le 16 septembre (...) après trois avions. (...) « l’ambiance Covid » est jusqu’ici où le port du masque est obligatoire même en extérieur... La température est prise à chaque entrée de messe, même pour la messe en plein air. Le lavage des mains est systématique même s’il n’y a ni savon ni eau courante. Cette ambiance s’ajoute à toutes les autres maladies beaucoup plus effrayantes : il y a des cas de choléra en ce moment à Mbujimayi. Et toujours le paludisme, la sous nutrition... Comment expliquer le manque d’eau potable ? Il pleut beaucoup mais l’eau manque. La nappe phréatique est à 200 mètres de profondeur c’est pourquoi il n’y a pas de puits. Dans la paroisse où je réside, les paroissiens sont invités à offrir des bidons d’eau pour remplir les réservoirs des lave-mains. Nous n’avons de l’eau courante que quelques minutes par semaine. C’est la Régie des eaux qui ouvre les vannes. Il faut dire que le réseau fuit de partout. Certains tuyaux n’ont même pas de robinets. Il y a quelques bouts de gouttière qui permettent de remplir des réserves quand il pleut. Et il pleut régulièrement. En cas de manque d’eau il faut recourir aux porteurs d’eau : des enfants qui tirent environ 200 litres d’eau dans des bidons jaunes chargés sur des vélos porte-charge. Vu leur état, celui des enfants et de leurs vélos, on en déduit que c’est un gagne-misère.
Je suis logé dans la paroisse la plus chic de la ville. J’ai le privilège d’être dans un bel endroit, aéré, avec clôture et gardien jour et nuit. Je suis ravitaillé en eau par les « mamas », les deux femmes qui sont au service du presbytère. Elles vous remplissent une cuve de 200 litres en quelques minutes en portant des bassines sur leur tête. Respect. Comme je suis bien logé j’ai aussi l’électricité (...) mais elle n’est fournie que la nuit. Pour préserver ce qui me permet de vous écrire, je vais utiliser des panneaux solaires, beaucoup plus dans mon style d’occidental à la mode écolo. Pour l’internet c’est encore toute une histoire (...) Comme je ne sais pas encore avec quelles ressources je vais vivre, je préfère m’en passer. Ne soyez donc pas trop pressés quand vous m’envoyez un mail. Pour continuer de poser le cadre, il fait 30°C à l’ombre. Humidité de 70%... Les seuls moments de fraicheurs sont ceux qui suivent les pluies d’orage... Quand il a bien plu, des fourmis volantes surgissent, une vraie nuée infernale qui débarque au saint autel !
Réveil à 5h00. Laudes à 5h30 à la grotte mariale. Première messe à 5h55. Il y en a deux. Les assemblées sont bien remplies. Vêpres et chapelet chaque jour à 19h00 (c’est déjà la nuit sous l’équateur). Le dimanche c’est un vrai marathon liturgique avec six messes à la file. Les fidèles sont endimanchés avec beaucoup d’élégance. L’église est remplie. Chaque chorale répète deux fois par semaine pendant une à deux heures. J’ai chaque jour une « polyphonie » de deux à trois chorales en même temps sous mes fenêtres ! Ici les chorales sont très fréquentées. On chante à tue-tête et avec le sourire. Le répertoire va du chant traditionnel local au grégorien en passant par Gianada ou Wakeinem. On peut aussi entendre des polyphonies sacrées de Bach ou César Franck, Fauré, etc... La culture musicale est très riche, et surtout très variée ! Certaines familles ont accès à la chaîne satellitaire KTO et suivent les programmes qui y sont diffusés. J’ai ainsi entendu Mgr Aupetit dans une famille au cœur de l’Afrique. Drôle de sentiment pour moi qui aime tant Paris. J’en suis si loin maintenant ! J’ai la joie de pouvoir célébrer la messe chaque jour, et cette grâce est augmentée par la présence de ventilateurs efficaces dans le chœur ! Je célèbre la première messe en français les lundi, mardi et samedi, ainsi que deux à trois messes dominicales en français. Je m’exerce avec un jeune pour lire la messe en ciluba. La prédication est très attendue. Certains fidèles enregistrent, d’autres écrivent cahier en main ! Les prédications sont retransmises à la radio ! Les fidèles sont regroupés en Communautés ecclésiales vivantes de bases et se réunissent chaque semaine. La prédication dominicale y est reprise. Quelle pression ! Le prêtre se sent attendu et écouté. Le clou de la semaine est incontestablement la messe grégorienne du dimanche. Église pleine, chorale pléthorique (...).
Jeudi dernier il y a eu huit ordinations diaconales en vue du sacerdoce. La cérémonie a aussi été l’occasion de célébrer la messe chrismale en différé. Une bonne partie du peuple de Dieu est restée debout pendant quatre heures. Les ordinands ont été acclamés par la foule. C’était une véritable liesse populaire. Quelle émotion de voir toute cette foule réunie autour de son évêque qui exprime sa joie d’accueillir de nouveaux futurs prêtres. L’organisation était parfaite malgré la pauvreté des moyens.
J’ai commencé les cours de ciluba dans un centre d’alphabétisation. On me prêtre une énorme Jeep pour m’y rendre. Pauvre de moi, je préfèrerai tant le vélo ou la marche à pied. Hélas les rues ne sont pas sûres (...) Je ne dépasse pas les 20 km/h car la route n’en est plus une et la succession des trous est un massacre pour la mécanique. Les motos me doublent dans tous les sens. Tout le monde klaxonne en permanence. Il n’y a pas de distinction entre la chaussée et les trottoirs. En cas d’accident, j’ai la consigne de foncer à la police sans m’arrêter. Gloups !
J’ai échangé quelques graines potagères avec un jeune. Des radis contre des pois, des tomates contre du maïs. J’ai hâte de commencer le jardin. Comme il y a des chèvres et des poules à la paroisse, je dois commencer par faire construire une clôture. Elle sera en bambou et feuilles de palmier. Il y a aussi un coq qui me réveille à 4 heures du matin. Du côté des responsabilités diocésaines, je dois accompagner les ateliers de rapport. Il y a un bateau, une boulangerie, une biscuiterie, un garage automobile, une métallerie, une menuiserie, une chambre froide, une ferme et un magasin. Le gros chantier du moment c’est la boulangerie. Il y a tout un équipement qui vient de Suisse. Je vais accompagner techniquement le chef de chantier. (...)
Voici pour ces quelques nouvelles après cette première semaine. Je suis très heureux de cette nouvelle vie. Ma mission renforce mon identité de prêtre avec le gros travail de prédicateur de la parole de Dieu. Les ateliers du diocèse me plaisent bien aussi pour exprimer ce que je sais faire et ce que j’aime faire. Je ne regrette pas d’avoir cassé la tirelire pour expédier les livres et les outils qui sont si précieux au milieu de tout ce dénuement. Dans quelques jours je pars pour une expédition de quatre jours dans la savane pour aller voir la ferme bovine. Merci pour vos prières et toutes les marques de sympathie que j’ai reçu.
A bientôt.
Abbé Laurent Gastineau, Mbujimayi, le vendredi 25 septembre 2020.