Armand Jean Le Bouthillier de Rancé, de l'ordre cistercien, né le 9 janvier 1626 à Paris et décédé le 27 octobre 1700 à l'Abbaye de la Trappe (Soligny-la-Trappe, France), est un des précurseurs de l'ordre cistercien de la Stricte Observance (« Trappistes », fondé en 1892). C'est une figure marquante de la spiritualité du Grand Siècle. Chateaubriand lui consacrera son dernier ouvrage, la Vie de Rancé.
Armand Jean Le Bouthillier de Rancé, né le 9 janvier 1626 était issu d'une famille de la noblesse de robe, bien introduite à la cour. Alors qu'il est destiné à une carrière militaire, sa famille engage Armand Jean dans une carrière ecclésiastique à la place de son frère aîné Denis-François, décédé, pour conserver à la famille les bénéfices ecclésiastiques promis à ce dernier.
Dès l'âge de onze ans, en 1637, il est chanoine de la cathédrale Notre-Dame de Paris et abbé commendataire de cinq monastères, dont celui de la Trappe, en Normandie. Il est ordonné prêtre en 1651 après de brillantes études à Paris, où il a notamment comme condisciple Bossuet. En 1652 il est reçu premier à la licence, et passe son doctorat en 1654 à la Sorbonne et prit le bonnet de docteur le 10 février 1654. La même année, il est mis à la tête d'un des archidiaconés de son oncle, Victor Le Bouthillier (1596-1670), archevêque de Tours.
En 1660, il visite La Trappe qui tombe en ruine, aussi bien intérieurement qu’extérieurement. Il comprend qu'en tant qu'abbé commendataire, il a sa part de responsabilité dans cette déchéance.
Il résigna trois abbayes et deux prieurés, qu'il possédait en commende : après quoi, il se prépara à quitter le monde. On voulut inutilement l'y retenir, en lui offrant la coadjutorerie de l'archevêché de Tours.
Aussi commence-t-il à relever l'abbaye. Aux moines, il donne le choix entre rester et suivre la réforme, ou partir avec une pension.
Il se retira donc à Perseigne, où il prit l'habit monastique, et fit profession le 6 juin 1664.
Il fait venir des moines du monastère réformé de Perseigne pour les remplacer. À Perseigne, de la filiation de Cîteaux, la réforme de l'Étroite Observance avait déjà commencé : il s'agissait de revenir à la fidélité à la Règle de saint Benoît, celle des fondateurs de Cîteaux, qui incluait notamment l'abstinence de viande (d'où le nom d'« abstinents ») et le travail manuel quotidien. L'Étroite Observance regroupait une soixantaine d'abbayes (comme Perseigne, mais aussi Sept-Fons, Tamié, le Val-Richer, Orval, Clairmarais, le Val-des-Choux, etc.) qui souhaitaient revenir à la spiritualité et à l'observance des premiers cisterciens, sans toutefois quitter l'Ordre de Cîteaux ni même constituer une congrégation à part.
Pendant la période de reconstruction de La Trappe, Rancé vit et travaille au milieu de ses moines. Le 20 août 1662, on peut rétablir la prière en chœur. Puis, en mai 1663, il se rend à l'abbaye de Perseigne pour y accomplir son noviciat, c'est-à-dire recevoir la formation monastique dont il était jusque-là dépourvu, comme la quasi-totalité des abbés commendataires de son temps. En juillet 1664, son noviciat achevé, Rancé reçoit la bénédiction abbatiale de l'évêque de Sées, dont dépendait La Trappe. Devenant ainsi abbé régulier de La Trappe, c'est là qu'il résidera désormais ; il a vendu ses biens et renoncé à ses autres bénéfices ecclésiastiques.
Rancé va rapidement devenir un des principaux champions de l'Étroite observance. Il la présente dans ses Declarationes in regulam beati Benedicti ad usum Domus Dei Beatae Mariae de Trappa (qui ne furent toutefois jamais imprimées et ne sont connues que par un manuscrit en latin, une traduction française et quelques citations) et surtout dans le fameux ouvrage De la sainteté et des devoirs de la vie monastique (1683), qui connaîtra une large diffusion et entraînera des controverses avec d'autres grands Ordres qui ne passaient pas pour relâchés, tels les Chartreux et les Mauristes.
La réforme de La Trappe est approuvée par le Saint-Siège par deux brefs des 2 août 1677 et 23 mai 1678 : La Trappe reste soumise à Cîteaux mais avec des règlements particuliers. Ce qui marquait Rancé dans ses efforts de réforme, c’était un sentiment profond de la continuité de la vie monastique depuis les Pères du Désert jusqu'aux cisterciens : d'où son insistance sur les thèmes monastiques classiques de la nécessité du repentir, du renoncement à soi-même, de l’humilité et de l’ascèse ; d'où la remise en valeur du silence, du travail manuel pénible, en particulier dans l'agriculture, et de l'abstinence. C’est ce désir d’humilité qui lui fit repousser toute étude scientifique dans le monastère : Rancé avait été un théologien brillant et admiré, il voulut épargner la tentation de l'orgueil intellectuel à ses moines, mais tomba du même coup dans un anti-intellectualisme qui lui sera reproché, notamment par le bénédictin Mabillon. La réforme rancéenne connut cependant un grand succès en cette époque où tous les monastères ne brillaient pas par leur ferveur : La Trappe accueillit des postulants par dizaines et même par centaines, qui étaient parfois déjà prêtres ou religieux.
Un héritier de Rancé, dom Augustin de Lestrange, permit à la communauté de La Trappe de ne pas être détruite par la Révolution française : exilée en Suisse, elle donna naissance en 1892 à l’Ordre des cisterciens réformés de Notre-Dame de la Trappe, qui devint peu après l'Ordre cistercien de la stricte observance.
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