Sur le thème "services à la personne", Mgr Habert a visité le pays de Domfront le mercredi 5 juin 2019. Résumé en vidéo :
Rencontre avec des responsables, des bénévoles et des bénéficiaires de 4 associations : UNA (Union Nationale de l'Aide, des Soins et des Services aux Domiciles), ADMR, Ca roule à Domf’ et Portage de repas
La directrice de l’UNA bocage ornais, Viviane Briens, explique que l’UNA de l’Orne compte 1200 salariés, 400 pour le bocage, pour 3000 usagers. L’UNA intervient pour tous les actes de la vie quotidienne des personnes âgées et/ou handicapées qui sont en perte d’autonomie, mais qui peuvent encore rester à leur domicile. Elle intervient aussi pour aider à la vie sociale ou culturelle des personnes.
L’UNA bocage gère aussi un accueil de jour pour malades cognitifs et Alzheimer, du lundi au vendredi, dans une maison familiale, avec la présence d’une neuropsychologue, d’une aide médico-psychologique et de 2 auxiliaires de vie.
Avec l’UNA du Bocage Ornais, un Café des aidants à partir de juillet à La Ferté-Macé
L’Agence régionale de santé finance également une plate-forme de répit pour les aidants épuisés, qui est portée par l’UNA.
Tous les professionnels travaillent en réseau, ce qui permet de proposer une large palette de services, ce qui permet de réaliser une forme de passerelle avant une éventuelle entrée en EHPAD.
Elodie Laprune est aide à domicile de l’UNA. Elle travaille pour entretenir les logements, le linge, accompagne des personnes pour faire des courses. Elle fait en sorte de maintenir l’autonomie du quotidien des personnes chez lesquelles elle intervient.
Pour les personnes très isolées, l’aide à domicile est parfois la seule visite de la journée.
L’ADMR compte 22 associations locales dans l’Orne. 15 communes du Domfrontais sont couvertes par 37 salariés (la plupart à temps partiel) pour 360 bénéficiaires. L’ADMR propose des solutions pour le maintien à domicile, des prestations de ménage et garde d’enfants, ainsi qu’un service de téléassistance.
Les bénévoles de l’ADMR assurent des visites de courtoisie aux personnes.Ces visites sont vraiment appréciées des personnes qui voient peu de monde au quotidien, qui aiment parler de tout et de rien. Ce sont aussi les bénévoles de l’ADMR qui forment les bénéficiaire au système de téléassistance, et les incitent à l’adopter. Ce dispositif montre son efficacité : sur le secteur, 3 personnes ont été secourues grâce à son activation au cours du mois de mai 2019.
Les structures qui emploient des aides à domicile sont confrontées à un manque récurrent de personnel, dont le travail difficile est mal valorisé ni reconnu. C’est un travail difficile physiquement et psychologiquement. Les accompagnements sont morcelés, sur des temps de travail très courts. Les salariées ont parfois le ressenti d’un travail bâclé, car elles ont très peu de temps pour intervenir… alors que leur rôle est normalement d’accompagner et stimuler, pour ne pas faire les gestes à la place des personnes.
Il y a parfois aussi des relations difficiles avec les familles, pas satisfaites des prestations.
Face à l’épuisement des aidants, les auxiliaires ont besoin d’être formées à leur accompagnement, qui commence par connaître les signes d’épuisement.
C’est souvent l’aide à domicile qui constate les pertes d’autonomie. Son rôle est primordial, elle peut aider un médecin à prendre des décisions.
Les aides à domicile sont aussi souvent confrontées aux conduites addictives des personnes, en particulier l’alcoolisation.
Les aides à domicile sont parfois confrontées à comportement discriminatoires, mais il arrive aussi que ce soit l’aide à domicile qui ait ce type de réaction. L’UNA met actuellement en place une charte de bienveillance des usagers et familles à l’égard des salariés.
Pour les aider, des relectures de pratique sont mises en place, ainsi que différentes formations. Mais ce qu’attendent les aides à domicile est une revalorisation de leur travail, une reconnaissance de leurs compétences et du travail accompli.
Ça roule à Domf’. Ce service est né du constat de besoin de véhicule pour pouvoir continuer à vivre en milieu rural.
L’association comprend 28 chauffeurs bénévoles, qui ont assurés 930 accompagnements en 2018. 1/3 des déplacements sont pour des raisons médicales, un autre tiers pour les courses. Le reste est pour des visites de personnes hospitalisées ou en EHPAD et pour des loisirs.
Le service est assuré pour les habitants du Domfrontais. Il y a un partenariat avec les municipalités, le CLIC (Centre Local d'Information et de Coordination gérontologique) du bocage), le pôle santé, les travailleurs sociaux, l’UNA et l’ADMR.
Les bénévoles s’investissent souvent via un appel dans la presse. C’est une réponse apportée aux besoins des personnes, qui sont toujours contentes de voir arriver le chauffeur. Des liens se créent entre bénévoles, bénéficiaires et leurs familles.
Les bénévoles choisissent les distances qu’ils sont prêts à parcourir. La plupart des trajets sont relativement courts (2/3 sur Domfront).
Le portage des repas. L’association Familles rurales organise ce service depuis 2007, avec l’aide de 18 bénévoles qui portent des repas 3 fois par semaine en liaison froide à environ 70 personnes. Les repas sont préparés au gîte de Bellevue par 2 cuisiniers qui travaillent à plein temps.
Ce service permet le maintien à domicile des personnes tout en favorisant du lien social lorsque les bénévoles apportent les repasCela permet aussi aux personnes de bénéficier de repas variés et équilibrés.
Le portage des repas peut aussi être mis en place de façon temporaire, lors d’une sortie d’hospitalisation par exemple.
La présence d’une aide à domicile est parfois importante pour inciter la personne à manger.
Familles rurales assure l’achat du véhicule réfrigéré et son entretien.
Les bénévoles partent toujours à 2 : un conduit, et l’autre livre les repas. Les bénéficiaires leur proposent souvent un café ou de rester un moment, ce qui est difficile pour arriver à livrer tout le monde en une demi-journée. Si les bénéficiaires sont absents, les bénévoles ont parfois les clés des logements, ou connaissent leur emplacement, souvent dans un coffret à code.
Le repas revient à 10,60 € par personne. Familles rurales garde 1 € pour le véhicule. C’est grâce aux bénévoles que le repas peut rester à un prix abordable.
La synergie et la complémentarité des services permettent une forme d’autonomie et un maintien à domicile pour les personnes. Ce travail en réseau est important, en particulier face aux déserts médicaux. Ces déserts entraînent entre autres des hospitalisations répétées, toujours plus courtes, qui renvoient les personnes chez elles trop vite. Les pompiers sont souvent sollicités. Il faut un travail en collaboration avec l’hôpital pour gérer la sortie d’hospitalisation.
Les bénéficiaires des quatre structures témoignent de leur satisfaction par rapport à la qualité des services rendus. Ils sont heureux de la présence des bénévoles ou professionnels qui sont une véritable aide pour leur vie quotidienne et leurs déplacements.
« Sans Ca roule à Domf’, pas moyen de me déplacer ». « Le service est satisfaisant. Il suffit d’appeler 24 heures avant ».
« Les repas sont bons, ce serait trop difficile de les faire seul »
« Sans Elodie, on ne pourrait pas rester chez nous ».
A Perrou : Catherine et Patrick Mousset : des repas pour 50 migrants pendant 9 mois
Début novembre 2016, la maire de Perrou apprend que 51 jeunes migrants arrivent dans la commune, dans un Centre d’accueil et d’orientation (CAO) improvisé lors du démantèlement de la « jungle » de Sangatte. La maire sollicite Catherine et Patrick, qui acceptent de fournir 100 repas par jour, en tenant compte du fait qu’un grand nombre des jeunes est musulman.
Les jeunes arrivent le 9 novembre, à 16 heures, dans un lieu qu’on leur avait présenté comme étant à 3 quarts d’heure de Paris. A la nuit tombante, en bordure de forêt… ils étaient effrayés. Certains ne sont pas restés, se trouvant trop loin de tout… et trop près de la forêt, source de dangers pour eux.Une relation de confiance s’est vite installée, au point que de les voir partir en septembre 2017 a été difficile. Les jeunes se sont rendu compte qu’ils étaient en sécurité… et que les repas proposés prenaient en compte leur foi.
Le CAO donnait 9 euros par jour par jeune.
L’intégration des jeunes dans le village s’est faire facilement. Perrou a une longue tradition d’accueil de personnes différentes (handicapés, orphelins…). Pour ceux qui étaient plus réticents, Catherine et Patrick ont témoigné, expliqué ce qui se passait, fait du lien. Les migrants ont reconnu leur rôle et ont été reconnaissants.Lors des vœux de nouvel an, les jeunes ont été invités à la mairie. Cette présence dans le village a permis de lever des méconnaissances par rapport à l’étranger.
Dans un CAO, il y a très peu de présence de salariés et d’encadrants : des bénévoles se sont mobilisés pour différentes activités. Les jeunes venaient jouer au foot sur le terrain près du centre communal, ce qui a permis des rencontres, notamment avec les jeunes du village. L’accueil dans le centre était en collectif, ce qui leur permettait de faire du lien entre eux, mais aussi avec les français qui venaient à leur rencontre.Ils sont aujourd’hui dans des appartements, et les liens sont moins faciles.
Rencontre avec l’association Accueil des réfugiés en Domfrontais et à La Ferté-Macé (AReDF) et des migrants
L’association a été créée en 2015. Dans un premier temps, l’association soutient Chantal, une femme ivoirienne arrivée par le Samu social, enceinte. Les membres de l’association l’ont accompagnée dans ses démarches pour être régularisée, mais aussi pour des cours de français. Elle est aujourd’hui aide à domicile au sein de l’ADMR.
Jusqu’à l’arrivée des migrants au CAO de Perrou, l’association avait peu d’activité. Au CAO, les jeunes ne bénéficiaient que de peu d’encadrement. La mobilisation des bénévoles a été importante pour leur proposer des cours de français, les amener à la médiathèque, leur proposer différentes visites. Des temps forts comme des repas, des sorties, etc., ont été organisés.
Aujourd’hui, les migrants sont hébergés dans des appartements à Domfront et La Ferté-Macé. L’accompagnement se poursuit. Pour chaque appartement, 2 à 3 bénévoles référents se relaient pour soutenir les migrants.
Les bénévoles assurent beaucoup de transports vers Flers (courses, gare). Il n’y a pas de bus à Domfront le week-end.
Tout ce qui concerne les démarches pour obtenir le statut est assuré par Coallia, l’association qui gère l’accueil des réfugiés à Perrou puis Domfront et La Ferté-Macé depuis 2016. Les bénévoles de l’AReDF ne s’en occupent pas, ce qui permet un autre type de relation. Une famille, en lien avec l’association, rend visite à ceux qui sont installés à Flers.
Les migrants en demande d’asile perçoivent 210 € par mois, mais quand ils sont en procédure Dublin, l’aide se réduit à 28€ par semaine.
Pour travailler, les migrants doivent avoir le statut de réfugié. Avant, ça leur est interdit. Ils n’ont donc aucune stabilité pendant le temps d’attente du statut qui peut parfois être très long. Dans un premier temps ils peuvent avoir un titre pour 4 ans (protection subsidiaire) puis obtenir le statut de réfugié (10 ans). Si l’asile leur est refusé, ils peuvent faire appel. Il faut continuer le suivi après l’obtention du statut de réfugié.Ceux qui peuvent travailler sont souvent embauchés chez SNV, abattoir de volailles.
L’association reçoit des dons qui aident à l’achat des licences sportives et/ou des tenues pour la pratique. En plus du sport, l’AReD propose aux migrants de participer à des festivals. Ils peuvent aider en tant que bénévoles. Par exemple au festival L’appel au bois normand (écofestival, sans alcool) ou les Bichoiseries à Cerisy-Belle-étoile. Ces participations permettent d’aller au-delà de Domfront, et de faire des découvertes.
Depuis 1 an, des réfugiés syriens sont arrivés en famille à Champsecret dans le cadre de la politique française qui accueille des familles « sélectionnées » dans les camps de réfugiés par l’Office français des migrations. Deux familles syriennes sont arrivées au printemps 2018. Elles sont suivies par l’association France Terre d’Asile pour les questions administratives et les premiers cours de français.
Abdalalh a 17 ans, est scolarisé au lycée de Flers en classe de seconde. Il a des cours de français le matin, et l’après-midi, il est avec les élèves de sa classe pour les cours « classiques ». Son frère, Tarek, est marié, avec 3 enfants. Il vit avec le RSA en attendant de maîtriser suffisamment le français pour pouvoir travailler (menuisier).
Un premier module de français permet d’avoir des bases, mais pour les aspects professionnels, il faut prendre d’autres cours. Ce sont souvent les bénévoles qui assurent ces cours, à la médiathèque de Champsecret. (2 fois 2 heures par semaine).
Les deux frères sont heureux « tranquilles » à Champsecret. « Personne ne fait de problème avec nous ». Une bénévole de AReDF, Chantal, est présente pour répondre à différents besoins du quotidien. Abdallah et Tarek disent la solliciter régulièrement.
L’association aide pour compléter l’ameublement des appartements mis à disposition par France Terre d’asile, où l’équipement est très succinct. Elle les emmène aussi chercher l’aide alimentaire dont ils ont besoin tant qu’ils n’ont pas de travail. Elle fait aussi le lien avec les associations sportives pour que les plus jeunes puissent tisser des liens par ce biais. Abdallah pratique le football, au poste de gardien. Un nombre important de personnes à Champsecret connaissent les familles.
Une difficulté pour elles : Internet passe très mal dans le village.
Ahmed, réfugié soudanais, habite à Domfront. Il vient d’être régularisé. Il a quitté le Soudan en 2013 et n’a pas vu sa famille depuis. Il est arrivé en France en 2017. Il continue à rester en lien avec les bénévoles de l’AReDF. Il cherche un travail, mais pour cela, a besoin de passer le permis de conduire. Il joue au football dans l’équipe de Domfront. Cela lui permet de créer des liens. Ahmed aime la vie à la campagne, son calme.
Ibrahima vient de Guinée Conakry. Il est arrivé le 29 avril 2019 à Domfront, dans un appartement mis à disposition par Coallia. Ils vivent à 5, de 4 nationalités différentes, dans cet appartement. Il apprécie le calme de Domfront et l’aide des bénévoles, qui, par exemple, l’ont emmené à la mosquée de La Ferté-Macé pour la fête de l’Aïd.
Mamadou a 30 ans et est ivoirien. Il vient aussi d’arriver à Domfront, et est en France depuis janvier 2019. Il est entré en France par l’Italie, et est donc susceptible d’y être renvoyé dans le cadre des accords de Dublin. Il fait du sport dans une salle de musculation de Domfront, qui permet aux migrants de payer leur participation de façon mensuelle (et non pas comme pour les autres pratiquants avancer l’année entière).
Touré est de Guinée Conakry. Depuis 5 mois à Domfront, il apprécie la présence et la gentillesse des bénévoles. « Ils nous aident à être ensemble, nous emmènent à Flers faire des achats ». Il évoque le Dr Leroy, qui soutient les migrants du point de vue santé. Bénévole au festival L’appel au bois normand, il est heureux de cette expérience qui lui a permis de se détendre, et lui a montré que des gens se bougent pour permettre à d’autres de se détendre. Il a apprécié de pouvoir rendre service et d’être bénévole avec d’autres.
Les migrants présents disent trouver une forme de tranquillité, de paix à Domfront. Ils trouvent important d’être entourés. Les liens créés sont essentiels.
Les bénévoles présents témoignent :
Ginette : Dans la voiture, une vraie convivialité se vit, échanges, découverte de musique. « On se connaît bien… » « Nous sommes toujours accueillis avec le sourire, malgré les difficultés qu’ils traversent ».
Une bénévole propose des cours de cuisine chez elle, pour familiariser les migrants aux ingrédients locaux.
Bernard, trésorier de l’association : Il faut assurer le côté administratif. Quand les migrants prennent un logement, l’association aide à l’ameublement et à l’installation.
Cette relation avec les migrants aide à s’ouvrir sur l’extérieur, à d’autres façons de vivre, une autre religion. « On connaît mieux l’Afrique, tout en restant à Domfront. »
Les membres de l’association aimeraient que les migrants puissent être plus partie prenante dans la vie de l’association, qui compte actuellement 92 adhérents. Ils aimeraient aussi pouvoir disposer d’un lieu de rencontre pour que les migrants puissent se retrouver pour vivre des temps conviviaux, se connecter à Internet… qui pourrait aussi servir de lieu de stockage de meubles pour les futurs arrivants. Les habitants sont demandeurs pour aider. Des témoignages d’aides ponctuelles sont assez fréquents. Le club de cyclotourisme de Domfront fournit et aide à l’entretien de vélos. La plus grand limite reste le manque de transports en commun.