Le mardi 12 mars 2019, Mgr Habert visitait le territoire des 3 paroisses au pays d'Alençon, à la découverte du maraichage biologique pour une AMAP, d'une unité de méthanisation dans un GAEC, de l'Agenda 21 de la communauté urbaine...
Ferme maraîchère (Christophe Renault à Héloup) livrant 90 % sa production à deux AMAP(s) (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) : Alençon et l’Amap des chênes à Héloup
Christophe s’est installé comme maraîcher bio à Héloup en 2010. Il travaillait auparavant à la chambre d’agriculture en tant que conseiller. Il a fallu 5 ans pour trouver un équilibre. Il travaille 800 m2 de serres et 0,5 ha cultivés en extérieurs. Les serres sont au nombre de 4, et 4 blocs de plein champs sont cultivés.
Il fournit 60 paniers aux 2 Amaps, ainsi que 2 magasins Biocoop (10 % de sa production). L’Amap d’Alençon regroupe 15 producteurs, celle d’Héloup 10, tous en bio, mais ce n’est pas une obligation. Ce qui est important, c’est que les productions soient locales. Les produits sont de la viande, des produits laitiers, des légumes, de la bière, du cidre, de la farine, des céréales, des fruits, du miel, etc. 45 familles adhèrent à l’Amap d’Alençon, 30 à Héloup.
Christophe cultive de petites planches et produit 36 légumes différents par an.
Le système Amap permet aux producteurs de s’entraider.
Un forage sur la ferme permet l’irrigation : en goutte à goutte dans les serres, et par aspersion à l’extérieur. Le goutte à goutte permet d’éviter le gaspillage d’eau, évite l’herbe et le développement de maladies : Les plates-bandes sont souvent envahies d’herbe, mais tant qu’elles ne dominent pas sur les légumes, il n’est pas nécessaire de l’enlever systématiquement… elle permet de fertiliser le sol.
Pour lutter contre les insectes et bactéries nocives aux légumes, Christophe utilise les techniques proposées par l’agriculture biologique : contre les mouches blanches, il utilise de toutes petites guêpes qui sont leurs prédateurs. Sous serre, les légumes poussent vite… mais aussi les acariens et insectes aussi… Il faut être entomologiste pour être maraîcher bio…
Pour limiter les lapins, Christophe a dû clôturer entièrement la parcelle… Et pour que les oiseaux ne mangent pas les salades, il leur met de l’eau à disposition.
Christophe pratique un assolement quadriennal : il fait tourner les cultures sur les parcelles tous les 4 ans. Les légumes sont regroupés par saison, sur 4 parcelles, pour optimiser l’arrosage. Pour la fertilisation, il utilise du compost ovin/bovin en plein champ et de l’engrais bio dans les serres… ainsi que l’engrais vert de la flore spontanée.
Cette activité nécessite une présence quotidienne. L’Amap est un système exigeant : Christophe doit fournir 60 paniers chaque semaine. Actuellement, il ne prend qu’une semaine de vacances par an. La qualité de la vie est meilleure pour Christophe, qui, même s’il doit être présent chaque jour sur la ferme, a plus de temps pour sa famille.
Témoignage de Jeanne, première adhérente de l’Amap du chêne : être adhérent d’une Amap, c’est prendre conscience de la saisonnalité des cultures et des contraintes de production. Les « amapiens » permettent aux producteurs d’avoir un revenu assuré, puisqu’ils s’engagent à acheter régulièrement le panier mis à leur disposition. Les producteurs peuvent investir à l’avance. Ce mode d’achat permet d’éviter le gaspillage alimentaire : rien n’est jeté, tout est donné aux amapiens. Les échanges avec les producteurs leur permettent de ne pas être isolés et de transmettre leurs savoirs. Les producteurs peuvent vivre de leur travail. Les adhérents ont l’assurance d’avoir des produits frais (les paniers sont donnés le soir, la récolte est faite dans la journée), d’obtenir des produits bios à prix raisonnable. Les Amap proposent aussi souvent des recettes pour aider les adhérents à cuisiner ce que les paniers contiennent, surtout lorsqu’ils comportent des produits moins connus (en particulier les légumes anciens).
Cette démarche d’achat en Amap est à contrecourant de la tendance de consommation dans les grandes surfaces, c’est la qualité et le lien social qui priment.
Unité de méthanisation de la ferme des Manets, (frères Manoury à Semallé)
Ferme de 470 ha dont 278 de prairies, avec 1100 à 1200 bovins, dont 230 mères allaitantes et 220 génisses et veaux sous la mère. Le reste sont des mâles destinés à l’engraissement. 4 frères sont associés en GAEC et produisent 3 gammes de viande : export, libre-service (grandes surfaces) et gamme bouchère. Les vaches sont réparties en 3 troupeaux : charolais, salers, limousin. Dans cette ferme, les générations Manoury se succèdent depuis 1840, vivant les progrès à chaque génération.
Une attention à l'environnement, au consommateur « au final, il a raison le consommateur ». Il faut de la pédagogie, expliquer ce que l’on produit.
En amont de la méthanisation, la ferme avait investi en 2009 dans une installation solaire photovoltaïque sur un bâtiment agricole de 1312 m2, avec 656 m2 de panneaux solaires. Ces panneaux permettent une production qui correspond à la consommation de 23 foyers environ.
La méthanisation a débuté sur l’exploitation en 2010. Cela permet de diminuer la pollution agricole de 20 à 30%. L’intérêt est écologique et financier : La vente d’énergie à Enedis, mais aussi le meilleur rendement du digestat, liquide ou solide, plus rapidement assimilé par le sol que le fumier « pur » (qui ne se dégrade complètement qu’au bout de trois ans. Utiliser le digestat permet d’éviter le lessivage par les pluies et de possibles pollutions par du fumier pas encore absorbé par le sol). Le principe fondamental d’une unité de méthanisation est de recréer et d’optimiser les conditions naturelles de vie des bactéries méthanogènes et de valoriser le méthane qu’elles produisent. (Comme une panse de vache reconstituée, à 40-41°, les bactéries continuent de consommer les fibres présentes dans le fumier). Après fermentation, les digestats sont utilisés pour la fertilisation des terres de la ferme. Le produit qui ressort est quasi inodore, ce qui réduit les nuisances liées à l’épandage. Cet épandage plus efficace permet de limiter l’apport en engrais minéral d’environ 20 %... et aussi de donner un maximum d’herbe aux vaches.
L’unité de méthanisation a couté 1 860 000 €, financée à hauteur de 37 % par l’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) ou le PPE (plan performance énergétique) et d’autres aides. Quand le méthaniseur est subventionné, les agriculteurs ne peuvent pas y mettre plus de 15 % de céréales. Les dérives viennent d’exploitants qui construisent sans subvention, et qui ensuite peuvent utiliser la matière qu’ils souhaitent. En Allemagne, certains produisent du maïs uniquement pour le méthaniser.
L'unité de méthanisation fonctionne 24 heures sur 24. Le gaz produit est une énergie intermédiaire qui sert à faire tourner un moteur produisant 250 watts par heure, 24heures sur 24, 365 jours par an. L’énergie produite est envoyée sur le réseau Enedis via un transformateur situé en bordure de la propriété.
Pour que de plus petits éleveurs puissent accéder à la méthanisation, il faudrait qu’Enedis rachète l’énergie à des coûts différenciés selon la taille de l’élevage, afin que les plus petits soient mieux rémunérés.
12 à 14 tonnes de matières par jour sont déposées pour transformation dans le digesteur. En tout, 6 600 tonnes de fumier sont méthanisées chaque année, et 200 tonnes de déchets de céréales. En sortent 3770 tonnes de digestat liquide et 2000 de solide.
Aurélien, fils de Michel Manoury, a le projet d’ouverture d'une boucherie-charcuterie sous label en avril prochain. Les locaux sont situés à la ferme. Il vendra également sur les marchés d’Alençon et de Mortagne. Il vendra du bœuf issu de la ferme, et le porc viendra du réseau bleu blanc cœur (porc sur paille). Il a cumulé une formation en agriculture avec une de boucher-charcutier.
Le développement durable dans la communauté urbaine d'Alençon (CUA)
Réunion à la Mairie d'Alençon avec Mme Simone Boisseau, élue La CUA conseillère communautaire en charge de l’environnement et de la transition écologique et Éric Morin, éleveur, maire de Gandelain, membre de la communauté urbaine.
La CUA regroupe 31 communes, 57800 habitants sur une superficie de 375 km2. C’est un territoire qualifié de « rurbain », avec la ville d’Alençon qui compte 26 000 habitants. Depuis 2010 l'agenda 21 fixe des objectifs pour le développement durable. Ce document regroupe les actions d’une collectivité dans le domaine de l’environnement. Un second agenda est en route depuis 2015. Il est élaboré avec la participation des habitants à travers des « forums 21 ».
4 axes de travail ont été définis pour ce second agenda 21 : l'énergie, l’attractivité du territoire, le vivre ensemble la biodiversité
L’énergie
Les objectifs sont : 100 % énergie renouvelable en 2040, réduire les consommations énergétiques pour l’habitat et l’agriculture, réduire les rejets de gaz à effet de serre pour le transport, développer les énergies renouvelables sur le territoire, préserver la qualité de l’air.
La CUA cherche aussi, à travers cet Agenda 21, à anticiper la loi de transition énergétique.
Pour cela, différentes actions ont été entreprises :
- Changement récent de l’éclairage public : Une grande majorité des ampoules sont maintenant des LED, ce qui permettra d’économiser 600.000 € par an mais pour un investissement de 7 millions d'euros. La gestion du réseau a aussi été améliorée.
- Diagnostic énergétique pour les entreprises pour maîtriser et optimiser les couts énergétiques et créer une synergie entre les entreprises du territoire.
- Réalisation d’un second réseau de chaleur bois associé à un plan de gestion du bois
- L’accompagnement des particuliers pour les travaux de rénovation énergétique de l’habitat, en particulier les personnes les plus fragiles, en lien avec l’Ademe.
L’alimentation durable
C'est un travail de longue haleine avec les collectivités et la cuisine collective pour changer les habitudes alimentaires.
La Communauté urbaine encourage la synergie entre producteurs afin qu’il y ait pas trop de concurrence. Elle soutient l’accès des petits producteurs de Pays aux appels d’offre des marchés publics des collectivités et les aide à s'organiser.
Cela passe par l’organisation de rencontres commerciales, types « showrooms » ou des visites de fermes par des élus et des cuisiniers de restauration collective. Un marché des producteurs de pays a lieu 5 fois par an à Alençon. Les producteurs et élus sont invités à des visites de la cuisine centrale et de la légumerie d’ANAIS.
La volonté est d’augmenter la part des produits bio et locaux dans la restauration collective, mais il existe de nombreux freins liés aux obligations autour des marchés publics. Le premier écueil des circuits courts et bio reste le prix… Il y a la volonté de changer, mais pour le moment, les moyens financiers ne suivent pas.
Il faut parvenir à mettre d’accord les différents niveaux de décision. En effet, pour la restauration scolaire, le primaire dépend de la communauté urbaine, le collège du département et le lycée de la région.
Les efforts vont également vers le soutien à la production locale de légumes.
Une carte des producteurs locaux est publiée en 2015, mise à jour en 2019, pour inciter les habitants à s’en rapprocher.
Les actions pédagogiques sont organisées à destination des scolaires et du grand public.
L’objectif est d’arriver à 70 % de produits locaux et 20% de produits bio en 2022 pour la CUA.
La CUA souhaite que les familles les plus modestes aient aussi accès à une nourriture de qualité. Il faut les accompagner en ce sens, les aider à retrouver des modes d’alimentation sains.
Tous les programmes menés par la communauté d’agglomération vont dans le sens d’un accompagnement aux changements de comportements (alimentaire, utilisation de l’énergie…)
Toutes ces actions répondent à un triple objectif :
Des producteurs qui gagnent leur vie
Des consommateurs en bonne santé et qui s'impliquent
Une planète qui se porte bien
Le consommateur est un peu schizophrène : il veut à la fois la qualité et les prix bas. Il faut travailler avec lui autour du respect des rythmes : le tout, tout de suite n’est plus possible, encore moins souhaitable.
D’autres projets sont en cours de réflexion : une monnaie locale avec un accès différencié selon les revenus des ménages, les « familles à alimentation positive ».
La fin de la journée a été marquée par l'organisation du repas sous forme de Disco-soup, rebaptisée pour l'occasion... Episco-soup !