Chers amis, vous l’avez remarqué, les textes retenus pour cette célébration sont ceux prévus pour la fête d’un Saint polonais, Maximilien Kolbe, mort dans un camp de concentration nazi au cours de la seconde guerre mondiale.
L’Evangile évoque l’appel de Nathanaël, futur apôtre. Un homme dont Jésus dit « qu’il n’y a pas de ruse en lui ». Autrement dit, c’est un homme de vérité. La ruse, nous le savons, est l’apanage de l’ennemi du genre humain. L’analyse de son fonctionnement dans le troisième chapitre de la Genèse montre 3 actions qui conduiront Adam et Eve, à manger du fruit interdit, à désobéir et à expérimenter le mal et la mort.
Les trois modes d’action de l’antique serpent sont les suivantes : l’exagération outrancière, le mensonge éhonté et la flatterie du désir de toute puissance. Je n’en fais pas la démonstration ici, mais chacun reconnaîtra dans ces trois fonctionnements les ressorts de nombreux conflits politiques et militaires.
Nathanaël, nous dit le Christ, est loin de tout cela. Il n’y a pas de ruse en lui. C’est donc un homme qui est aux antipodes du malin et proche du Christ qui dira de lui-même qu’il est le chemin, la vérité et la vie.
De même que le serpent use de plusieurs armes simultanément, de même l’Ecriture nous apprend que la vérité n’avance pas toute seule.
Ainsi le Ps 88 au verset 11 nous apprend ceci :
Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent ;
Tenir ensemble ces quatre éléments ne relève pas de l’évidence et nécessite un certain courage, une force d’âme, de la volonté et de la persévérance.
L’amour dont il s’agit ici ne relève pas du romantisme mais bien d’un sens aigu de la fraternité. Se reconnaître comme frères est la porte d’entrée de la vérité. Mais le goût de la vérité nous conduit à nous recevoir dans une relation fraternelle authentique. C’est bien pour cela que j’ai apprécié de lire que cet anniversaire que nous célébrons aujourd’hui ne célèbre pas seulement une bataille qui a vu une victoire contre les forces nazies par les alliés et en particulier les soldats polonais. Cet anniversaire célèbre aussi ce grand désir de réconciliation dont nous avons tous besoin que ce soit au niveau de nos vies personnelles qu’au niveau des états. Bien loin de nous, Nelson Mandela l’avait compris en instituant sa commission « Vérité et réconciliation » qui a pu ouvrir un avenir commun aux habitants d’Afrique du Sud.
Quant à la paix, nous savons qu’elle procède fondamentalement d’une pratique de la justice. Si elle est parfois sujette à interprétation et à une vision politique et sociale, elle reste une réalité nécessaire pour toute vie paisible et stable entre les citoyens.
Saint Maximilien Kolbe, ce franciscain passionné de communication et habité d’une spiritualité mariale très profonde, a expérimenté l’injustice institutionnalisée que furent les camps de concentration nazis. Mais lui, comme d’autres, a résisté à la deshumanisation organisée dans ces camps. Et lorsque, énième injustice, des prisonniers sont condamnés à mourir de faim dans un bunker du camp, il demande à prendre la place de l’un d’eux et de vivre ses derniers jours au milieu de ces hommes désespérés.
Les témoins racontent que si au début, on a pu entendre des cris de désespoir, petit-à-petit, ils ont laissé la place à des prières et des chants. Saint Maximilien avait su introduire une espérance là où il n’y avait plus d’espoir. Les uns après les autres, ils sont morts de faim mais deux ou trois qui n’en finissaient pas de mourir, dont Saint Maximilien, ont été achevés.
Je pense que Saint Maximilien, a encouragé ses compagnons d’infortune en leur permettant d’inscrire leur vie, non pas dans la perspective d’une mort atroce à court terme, mais dans l’espérance du Ciel, de cette Jérusalem céleste, ville de la paix par excellence, demeure de l’agneau véritable qui a sacrifié sa vie pour nous offrir ce havre de paix. Saint Maximilien a sans doute permis à ces hommes de remettre leur vie dans une dynamique et un destin de salut.
Hélas, aujourd’hui encore, nous le ne le savons que trop bien, la vie exemplaire des saints au cœur de conditions extrêmes et plus encore la vie du Christ, n’a pas encore convaincu tous les hommes de renoncer à la puissance par le moyen du mensonge et de la violence. C’est pourquoi, il est encore nécessaire de former des hommes et des femmes avec une conscience droite capables d’être crédibles dans la résistance aux injustices, même les plus violentes.
Prions pour celles et ceux qui ont donné leur vie pour que la justice et la paix reviennent ; prions pour celles et ceux qui œuvrent chaque jour non seulement pour qu’elle ne soit pas perdue mais pour qu’elle soit consolidée.
Amen
Mgr Feillet, samedi 24 août 2024